Un nouvel investissement massif de 100 milliards de dollars par TSMC aux États-Unis a semé le doute à Taïwan. Derrière cet accord spectaculaire, des experts comme Mathieu Duchâtel (Institut Montaigne) alertent : cette décision est-elle réellement économique ou cache-t-elle une manœuvre politique pour apaiser les tensions croissantes avec Washington ? L'ombre de Donald Trump et la montée des tensions dans le détroit de Taïwan donnent à cette opération des allures de stratégie défensive. Une interdépendance complexe avec les États-Unis TSMC, surnommée à Taïwan la « montagne sacrée », n’est pas qu’un géant local : ses clients principaux, Apple, Nvidia ou encore Qualcomm, sont tous américains. Le PDG C.C. Wei et le fondateur Morris Chang ont, eux-mêmes, de solides attaches américaines. Ce lien étroit est un atout sécuritaire mais aussi une source d'inquiétude : certains y voient un risque de délocalisation progressive du savoir-faire stratégique vers l'étranger, menaçant la suprématie technologique taïwanaise. Une décision orchestrée en coulisses ? L’autorisation soudaine par le gouvernement taïwanais d’autoriser la fabrication en 2 nm sur le sol américain, rompant avec des décennies de politique stricte, intrigue. Jusque-là, Taïwan gardait toujours deux générations d’avance technologique localement. La synchronisation de cette décision avec l'arrivée de Trump à la Maison Blanche laisse penser à une réponse calculée pour sécuriser les relations bilatérales. Centre R&D américain : transfert ou partenariat ? Outre les usines prévues, la création d’un centre R&D par TSMC aux USA est scrutée de près. S'agit-il d'un simple appui technologique ou d'une porte ouverte à un transfert de compétences avancées ? D’après l’analyse de Duchâtel, même si les premières puces 2 nm ne seront pas prêtes avant 2030 aux États-Unis, cette avancée pourrait remodeler la chaîne mondiale de valeur. Mais Taïwan garde la main : même dans dix ans, 80 % des capacités avancées de TSMC resteront à Hsinchu. Vers une tactique pour esquiver les taxes ? Cette expansion sert-elle également à anticiper les droits de douane américains ? Actuellement, les États-Unis restent dépendants des importations pour les puces de pointe. La question se pose : Washington va-t-il exiger des concessions tarifaires de TSMC pour compenser les coûts des futures taxes ? Malgré ces pressions potentielles, les experts affirment que Taïwan conserve des cartes fortes pour défendre sa souveraineté technologique.