Nous étions quatre kamikazes ; notre mission consistait à transformer la fête au Stade de France en un deuil planétaire. Serrés dans la voiture qui nous transportait à vive allure sur l’autoroute, nous ne disions rien. Il y avait deux frères que je ne connaissais pas, un devant avec Ali le chauffeur, l’autre sur la banquette arrière à côté de Driss, et moi. Le frère de devant avait glissé un CD dans le lecteur de bord et depuis, nous ne faisions qu’écouter cheikh Saad el-Ghamidi déclamer les sourates, la voix aussi pénétrante qu’un envoûtement. Je n’ai jamais entendu quelqu’un réciter le Coran mieux que ce savant de l’islam. Ce n’étaient pas des cordes vocales qu’il avait, mais un arc-en-ciel chantant dans la gorge. Je crois que nous en étions émus aux larmes, sauf peut-être Ali qui semblait nerveux derrière son volant.